28 Nov, 2024
L’Inde transforme la bouse en bioénergies, grâce au développement massif du biogaz. Ce projet, porté par de grandes entreprises et soutenu par le gouvernement, vise à accélérer la transition énergétique du pays tout en réduisant la pollution et en générant des emplois dans les zones rurales.
Production de biogaz : une usine pionnière au cœur de l’Inde sacrée
À Barsana, dans le nord de l’Inde, une usine de méthanisation ultramoderne se dresse au milieu des champs, non loin des célèbres cheminées des briqueteries artisanales. Construite par le partenariat entre les groupes Adani et TotalEnergies, cette installation se distingue non seulement par sa taille, mais aussi par sa technologie avancée, la plaçant au sommet des initiatives en matière de biogaz en Inde. Située dans une région qui compte plus d’un million de vaches, cette usine utilise chaque jour des tonnes de bouse et de résidus agricoles. Ces ressources, autrefois limitées à des usages traditionnels, sont désormais transformées en biogaz et en engrais d’excellente qualité, offrant ainsi une double valeur ajoutée.
Les habitants de cette région rurale, où la bouse de vache est utilisée comme combustible depuis des siècles, voient dans ce projet une évolution naturelle et bénéfique. La localisation de l’usine, à proximité de la matière première, répond à une logique économique et environnementale en réduisant les coûts de transport tout en valorisant des déchets locaux.
Un moteur de la transition énergétique indienne
Depuis quelques années, l’Inde a fait du biogaz un pilier de sa stratégie énergétique, en vue d’atteindre ses objectifs ambitieux de neutralité carbone d’ici 2070. Le programme national lancé en 2018 prévoit la construction de 5 000 usines de biogaz en six ans, un projet qui a initialement rencontré des obstacles malgré d’importantes subventions et une garantie de rachat par l’État. La donne a cependant changé en 2025, avec une nouvelle réglementation imposant l’incorporation d’au moins 1 % de biogaz dans les mélanges destinés aux carburants automobiles et domestiques. Cette mesure incitative a attiré des acteurs majeurs tels que Reliance Industries et Adani, qui ont investi massivement pour répondre à cette demande croissante.
En parallèle, l’Inde, troisième émetteur mondial de gaz à effet de serre, cherche à diversifier son mix énergétique, où le charbon domine encore à hauteur de 70 %. L’intégration du biogaz, bien que modeste dans l’ensemble, contribue à réduire cette dépendance tout en soutenant une économie plus verte et durable.
Valorisation de la bouse et déchets agricoles : des bénéfices environnementaux et sociaux prometteurs
Le développement du biogaz ne se limite pas à produire une énergie plus propre. Il représente aussi une opportunité majeure pour transformer les pratiques agricoles et améliorer les conditions de vie des agriculteurs. En permettant de valoriser des déchets tels que la bouse et les résidus de culture, le secteur des bioénergies offre une nouvelle source de revenus aux communautés rurales. Les paysans, autrefois limités à des activités agricoles, deviennent désormais des acteurs de la transition énergétique.
Cette transition a également des effets directs sur l’environnement. En évitant la combustion des résidus agricoles, une pratique encore répandue et source de pollution atmosphérique importante, ces projets contribuent à une meilleure qualité de l’air. En outre, les engrais produits dans ces usines remplacent les produits chimiques coûteux et polluants, réduisant ainsi l’impact environnemental de l’agriculture.
Les bioénergies : un secteur encore en quête de compétitivité
Malgré ces perspectives encourageantes, le biogaz reste confronté à plusieurs défis structurels. Le coût élevé des installations, comme l’usine de Barsana estimée à 25 millions de dollars, limite la capacité de déploiement rapide à grande échelle. De plus, le prix du biogaz, qui s’élève à environ 14 dollars par mètre cube, est encore largement supérieur à celui du gaz naturel liquéfié (6 dollars par mètre cube), un concurrent direct massivement importé par l’Inde. Cette différence tarifaire freine son adoption commerciale, malgré son bilan environnemental plus favorable.
Un autre obstacle majeur réside dans l’approvisionnement régulier en matières premières. Bien que les régions rurales regorgent de ressources telles que la bouse et les résidus de culture, leur collecte reste logistique et coûteuse. Les contrats à long terme avec les agriculteurs, nécessaires pour garantir un approvisionnement stable, se heurtent souvent à des problèmes de confiance et d’engagement.
Un levier d’impact social et environnemental
Pour TotalEnergies et ses partenaires, l’investissement dans la production du biogaz en Inde dépasse les simples calculs financiers. Selon Sangkaran Ratnam, représentant du groupe en Inde, le biogaz représente avant tout une opportunité de soutenir les communautés rurales tout en promouvant des pratiques durables. L’impact de ces initiatives est visible à plusieurs niveaux : création d’emplois, réduction de la pollution, amélioration des revenus agricoles et sensibilisation à des pratiques plus respectueuses de l’environnement.
Bien que le biogaz reste une niche dans le vaste marché énergétique indien, son potentiel est indéniable. En exploitant des ressources locales et renouvelables, ce secteur peut servir de modèle pour d’autres régions du monde confrontées à des défis similaires. À plus long terme, les innovations et la baisse des coûts de production pourraient rendre cette énergie encore plus accessible et compétitive.
Avec ETX / DailyUp